Dans « Le visible et l’invisible », Merleau-Ponty écrivait :
«…C’est
à partir de cette pelouse devant moi que je crois entrevoir l’impact du
vert sur la vision d’autrui, c’est par la musique que j’entre dans son
émotion musicale, c’est la chose même qui m’ouvre l’accès au monde privé
d’autrui. Or, la chose même, nous l’avons vu, c’est toujours pour moi
la chose que je vois. L’intervention d’autrui ne résout pas le paradoxe
interne de ma perception : elle y ajoute cette autre énigme de la
propagation en autrui de ma vie la plus secrète, autre et la même,
puisque de toute évidence, ce n’est que par le monde que je puis sortir
de moi… »
Un jardin, un enfant qui court derrière sa mère.
Un nuage
La noirceur d’un sous-bois.
Le jaillissement des arbres
Un promeneur solitaire longeant le bord de mer dans une errance indéfiniment réitérée.
La
nécessité à dépasser sa propre histoire est posée face à la quête de
l’image photographique. L’évidence de sa présence se fera pourtant
lorsque le spectateur dans son regard posé sur ces photographies
choisira de se laisser couler dans la douceur du souvenir du goût d’un
biscuit que l’on a trempé dans du thé… ou de passer son chemin.
Chercher à atteindre l’autre c’est admettre avec soulagement qu’il n’est pas si différent.
Dans
ce regard posé sur les images, l’enfant lancé à la poursuite de la
silhouette qui s’éloigne sera à la fois autre et tout autant incarné.
L’histoire,
déplacée, cessera de n’être que celle du photographe, les deux
représentations se réuniront laissant s’insinuer, pas à pas, la
réminiscence.
Eloigné
des conflits, du chaos que pouvaient engendrer les couleurs, le choix
du noir et blanc est celui de l’ombre autant que de la lumière.